• Remue-ménage à la ménagerie

    Le 14 juillet 2022 marque le centenaire de l’inauguration du musée Paul-Renouard dans les locaux de l’ancien évêché, qui abritait alors le musée des Beaux-Arts et le musée d’histoire naturelle. L’événement est suffisamment important pour être relaté dans les journaux de l’époque. Pourtant, le muséum se trouve à l’heure actuelle dans l’ancien couvent des Jacobins de Blois. Comment expliquer ce changement de localisation ? Des photographies non datées, présentes dans nos fonds d’archives, illustrent un déménagement de pièces-maîtresses issues des collections scientifiques, un lion et un gorille, faisant émerger plus de questions que de réponses… Tentons de retracer ensemble l’itinéraire des collections du muséum !

     

    Un musée florissant

     

    FRAD041_75_Fi_00001

    Tout d’abord, rappelons que le premier musée d’histoire naturelle à proprement parler voit le jour en 1903 à l’initiative de la Société d’histoire naturelle. Cette dernière a, dès sa création en 1881, le projet d’organiser un musée où « les jeunes et leurs maîtres pourraient puiser une information”. Inaugurés le 31 mai 1903, les locaux du château de Blois attribués aux collections scientifiques se révèlent rapidement exigus. En effet, les divers dons faits à la Société et les acquisitions de cette dernière viennent considérablement enrichir les collections. Celles-ci sont donc confiées à la ville, dans le but de rechercher des locaux plus adaptés. Une délibération du conseil municipal du 22 juillet 1910 formalise ce don. Dès 1911, la ville envisage de déménager les collections à l’ancien évêché, laissé vacant depuis la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905, pour y constituer un musée. Les Archives départementales conservent plusieurs devis concernant des travaux d’envergure pour l’aménagement et le transfert des collections artistiques et scientifiques.

    Hélas ! La Grande Guerre vient couper ce bel élan. L’ancien palais épiscopal transformé en hôpital militaire subit des transformations et des dégradations. Quid des collections ? À la fin des conflits, d’importants travaux de restauration doivent être entrepris pour que les spécimens puissent à nouveau décemment y prendre place.

     

    L’inauguration du musée Paul-Renouard, baptisé ainsi en l’honneur du généreux artiste donateur loir-et-chérien, a enfin lieu le 14 juillet 1922. Diverses sources d’archives soulignent alors la qualité des collections dans les domaines du règne animal, végétal et minéral qui en font un des plus beaux musées de France.

     

    Le chamboule-tout de la Seconde Guerre mondiale

     

    L’histoire ne s’arrête pas là ! Avec la Seconde Guerre mondiale et les bombardements destructeurs de juin 1940, le tout récent musée Paul-Renouard répond à l’urgence d’héberger l’Hôtel de ville dont les locaux situés sur le quai du Mail ont été anéantis.

    Commence alors une période obscure concernant la localisation des collections du musée d’histoire naturelle. Il est fort probable que leur déménagement se soit déroulé en plusieurs phases. Un article publié dans La Renaissance de Loir-et-Cher le 26 janvier 1956 tente de retracer l’itinérance des collections. Dans un premier temps, face à l’avancée des Allemands, les pièces les plus rares auraient été mises à l’abri dans l’hôtel Vibraye, rue Augustin-Thierry, prêté par Monsieur Delamarre de Monchaux, conservateur. Puis, après l’installation de l’Hôtel de ville dans les murs de l’ancien évêché durant l’été 1940, une partie des collections aurait été stockée, pendant quelques mois, dans l’école Louis XII avant de rejoindre l’aile sud du bâtiment Gaston d’Orléans, au château de Blois.

    Pour éclairer cette période trouble de l’histoire, une exploration approfondie des sources conservées aux Archives municipales de Blois et dans les fonds documentaires du muséum et du château serait sans doute fort utile : des recherches complémentaires pourraient ainsi mettre en lumière un retour échelonné des collections, disséminées de-ci de-là.

     

    FRAD041_166_Fi_00699

    Une chose est sûre : si l’emblématique Georges l’hippopotame et beaucoup d’autres spécimens ont bien rejoint le muséum des Jacobins depuis 1984, certains de leurs comparses séjournent encore au château, faute d’avoir pu être accueillis et exposés dans d’autres locaux depuis les années 1940. Les inventaires mentionnés dans les bulletins de la Société d’histoire naturelle et les témoignages recueillis dans la presse locale des années 1950 et 1960 laissent même à penser que certaines pièces auraient pu être perdues.

     

    Quarante années dans les oubliettes ?

     

    Suite aux événements de la Seconde Guerre mondiale, le muséum a connu une longue période de mise en sommeil. Des projets de restauration et d’exposition exhaustive des collections ont été régulièrement envisagés sans pouvoir aboutir. Seule une petite partie du patrimoine scientifique demeure exposée au public au château.

    Il faudra attendre le centenaire de la fondation de la Société d’histoire naturelle et le cinquantième anniversaire de la mort de Camille Florance, son président de 1901 à 1931, pour assister au réveil du muséum dans les années 1980. En 1981, la ville de Blois, en accord et avec l’appui de la Société d’histoire naturelle, décide de réinstaller le musée au deuxième étage des Jacobins et prend en charge la restauration des collections, l’aménagement et le fonctionnement du musée.  L’actuel muséum ouvre ses portes au public le 4 janvier 1984. Allez-y ! Vous y retrouverez le lion, le gorille et l’hippopotame... Mais ils sauront, pour sûr, garder secret le mystère de l’itinérance de leurs comparses pendant près de 40 ans !

     

    Pour aller plus loin

     

    Aux Archives départementales de Loir-et-Cher

     

    974 PER - Bulletins de la Société d’histoire naturelle de 1881 à 1929 : liste des dons, descriptif des différentes salles, inaugurations.

    6 O 18/97 - Devis estimatifs par salle des travaux à exécuter pour le transfert du musée à l’ancien évêché. Coupures de presse et courriers concernant des litiges liés à un défaut de mise en adjudication de certains travaux à effectuer en 1912.

    BROCH 1460 - Extraits de La Renaissance de Loir-et-Cher du 21 janvier 1956.

    BROCH 1461 - Extraits de La Renaissance de Loir-et-Cher du 21 janvier 1956 des 14 et 21 avril 1956. 

     

    Aux Archives municipales de Blois

     

    Dossiers documentaires 7 Z 16 sur le Muséum et 7 Z 14 sur les Jacobins.

    1 Z 77 - Invitation et programme de l’inauguration du Musée créé par la Société d’histoire naturelle de Loir-et-Cher, au rez-de-chaussée de la partie Gaston d’Orléans, au château de Blois le 31 mai 1903 (1 pièce imprimée, 1989).

    2 R 10 - Registre des délibérations du Conseil municipal de la ville de Blois, séance du 22 juillet 1910 : don à la ville des collections à installer à l’ancien évêché.

    2 R 10 - Blois, Commission municipale d’Histoire naturelle : Inspection de Monsieur Georges Bresse, juin 1955.

    2 R 10 - Assemblée générale de la Société d’Histoire naturelle, séance du 23 juin 1962.

    2 R 10 - Commission du Château, séance du 3 janvier 1958.

    Bulletin de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher n° 4, séance du 4 février 1981.

     

    Pour en savoir plus sur Georges l’hippopotame

     

    Revue Espèces n° 38, décembre 2020 : « Georges, l’hippopotame du muséum de Blois », par Anne-Laure Boukef, assistante de conservation au muséum d’histoire naturelle de Blois et Cécile Callou, maître de conférences et responsable scientifique de collection au Muséum national d’histoire naturelle.

  • Galerie d'images

    • AD 41 - BROCH 2321
    • AD 41 - 112 Fi 18/12
    • AD 41 - 6 O 18/218/1
    • AD 41 - 6 O 18/218/2
    • AD 41 - 6 O 18/218/3
    • AD 41 - 7 T 3/1 (1/2)
    • AD 41 - 7 T 3/1 (2/2)
    • AD 41 - 20 PER 1922
    • AD 41 -  6 O 18/218/4 (1/2)
    • AD 41 -  6 O 18/218/4 (2/2)
    • AD 41 - 6 O 18/218/5 (1/2)
    • AD 41 - 6 O 18/218/5 (2/2)
    • AD 41 - 100 PER 1940
    • AD 41 - 75 Fi 1
    • AD 41 - 75 Fi 2
    • AD 41 - CR 433
    • AD 41 - BROCH 1460
    • AD 41 - 166 Fi 699
    • AD 41 - 974 PER 12-13